Le ksar d'Aït ben Haddou (Maroc)
Entre Marrakech et Ouarzazate, passé le col du Tizin-Tichka à 2 260 mètres d'altitude, ("col des pâturages" en langue berbère), par une route étroite et sinueuse sur 120 kilomètres, avec des virages sans visibilité et des ravins dont on ne voit même pas le fond, on arrive dans la vallée de l'Ounila à Aït Ben Haddou.
Point vert : Aït Ben Haddou
Les "tichka", qui ont donné leur nom à ce col, sont des plantes qui poussent sous forme de buissons épineux et font le régal des troupeaux de chèvres et de moutons.
Aït ben Haddou est un ksar du Maroc inscrit sur la liste du patrimoine mondial de l'UNESCO depuis 1987.
Région de plateaux tabulaires calcaires et désertiques, c'était un point de passage traditionnel des caravanes reliant Marrakech au sud du Sahara.
A l'intérieur, se pressent de nombreuses maisons d'habitation, les unes modestes, les autres faisant figure de petits châteaux.
Les hautes tours d'angle sont décorées à la partie supérieure de motifs décoratifs en brique crue, faites de boue et paille et séchées au soleil, nommées "adobes".
Les habitants sont pour la plupart des berbères anciennement nomades qui ont ensuite choisi la sédentarité pour des raisons diverses.
Plusieurs films y ont été tournés parmi lesquels : Lawrence d'Arabie (1962), Sodome et Gomorrhe (1962), L'Homme qui voulut être roi (1975), Le Diamant du Nil (1985), Un thé au Sahara (1990), La Momie (1999), Gladiator (2000), Alexandre (2004).
Déjà à quelques kilomètres au sud de Marrakech, on perçoit le changement dans le style des constructions : au style mauresque raffiné succèdent les villages berbères construits en pisé couleur de terre d’origine. L’architecture berbère n’a jamais été influencée par la conquête arabe. On peut dire que les montagnes de l'Atlas séparent le Maroc en deux : au nord des chaînes de l'Atlas, le Maroc arabe, et au sud de ces chaînes, un Maroc berbère qui se sent encore aujourd'hui mis à l'écart de la politique de développement du pouvoir central.
Le pisé est un matériau de construction constitué de terre argileuse, de cailloux et de paille liés par de l'eau. Le tout est moulé sur place à l'aide de panneaux de coffrage (comme pour le béton). Le chef d'équipe, (le maalem) dirige une équipe de quelques ouvriers qui tirent la terre du lieu même de la construction. Mise en paniers, cette terre est hissée à dos d'homme sur les murs en construction et jetée dans les coffrages. Le pisé est tassé avec un pilon en bois par le maalem qui pousse un cri à chaque coup.
Reposant sur des poutres de palmier, le toit est couvert de branchages, puis de terre damée en pente légère pour l’écoulement des eaux de pluie vers une gargouille.
Les berbères du sud construisent, selon ces techniques ancestrales, un type d’habitat original et millénaire : les ksour et les kasbah.
Demeures fortifiées des seigneurs, isolées et situées sur une position dominante, elles exprimaient l’autorité des caïds (représentants du sultan) ou des Pachas (gouverneurs d’une ville impériale).
La kasbah (ou casbah), un seul bâtiment destiné à loger une famille puissante, contrôlait les oasis et leurs voies d’accès.
Kasbah de Damoungald
Les kasbah (sans s au pluriel, contrairement à "les casbahs") servaient de points de ravitaillement pour les habitants du désert et défendaient les caravanes contre les brigands et les pillards nomades.
Illustration de Jacques Pecnard (1)
pour "L'Escadron Blanc" de Joseph Peyré (2)
Les ksour (au singulier ksar), petites forteresses, sont établis le plus souvent sur des pitons rocheux ou en bordure de falaise. Il s’agît d’un village entouré d’un mur d’enceinte avec des tours de guet et une ou plusieurs entrées monumentales.
A l’intérieur, quelques équipements collectifs entre lesquels se trouve une mosquée, et, au sommet de la colline, toujours un grenier collectif appelé ighrem. Dans cet ighrem, les habitants entreposent leurs réserves personnelles dont ils peuvent se servir à volonté. Cependant, en cas de disette, de guerre ou de malheur quelconque, les réserves sont mises en commun et c'est le pacha du ksar qui organise la répartition des denrées.
Sur les routes du sud, certaines de ces majestueuses forteresses de terre rouge ou ocre, laissées à l’abandon, sont menacées de dégradations.
Plusieurs causes expliquent cet abandon :
Les causes climatiques : les pluies rares mais violentes menacent les maisons de terre qui disparaissent parfois suite aux intempéries. Mais les nomades, habitués aux villages temporaires, ne les reconstruisent pas et vont bâtir ailleurs.
L'exode rural : les populations sont de plus en plus attirées par les "lumières" des villes et abandonnent leurs villages.
Les causes historiques : Thami-el-Glaoui, le dernier seigneur de l’Atlas, chef de la tribu des Glaoua (berbères de l’Atlas), prit le parti des Français au Maroc en 1912, ce qui lui permit de devenir le pacha de Marrakech et de sa région. Par la suite il étendit son autorité sur tout le sud marocain, accumula une immense fortune et fit construire les plus belles kasbah des vallées du Draa et du Dades.
Kasbah de Tifoultoute (près de Ouarzazate)
Mais exilé par les Français en 1953, le futur roi Mohamed V est rappelé par son peuple et est réinstallé sur le trône comme roi légitime. Humilié, le pacha Thami-el-Glaoui dût implorer son pardon à genoux devant lui. Le roi pardonna mais n’oublia pas. Le Glaoui mourut en 1956 et tous ses biens furent confisqués.
Aujourd'hui, certaines de ces kasbah, laissées à l'abandon, s’écroulent lentement faute d’entretien : ces châteaux de terre se transforment en tas de boue.
Kasbah de Tifoultoute
Depuis les années 1990, des associations culturelles et artistiques se sont créées et revendiquent la reconnaissance de l’identité berbère. Des architectes de Marrakech ont pris le problème au sérieux. Ils ont recensé les ksour en péril, fait admettre qu’ils appartenaient au patrimoine du Maroc et protègent aujourd’hui activement ces villages de terre.
Sources :
http://dp.mariottini.free.fr/special/maroc/desert/kasbah/kasbah.htm
http://whc.unesco.org/fr/list/444
(1) Jacques Pecnard est né en septembre 1922 à Vincennes et décédé en juin 2012. Il exécute dès ses années de jeunesse de nombreux portraits, des paysages et des nature-mortes sensibles avant de se lancer dans une carrière de dessinateur-illustrateur à l’âge de 18 ans en pleine guerre.
Dès les années soixante-dix, les éditeurs d’art lui confient l’illustration des chefs-d’œuvre de la littérature. De l’Odyssée d’Homère au Grand Meaulnes d’Alain-Fournier, de Guerre et Paix aux Chansons de Léo Ferré….
(2) Joseph Peyré est un écrivain français, né le 13 mars 1892 à Aydie (Pyrénées-Atlantiques), mort le 26 décembre 1968 à Cannes (Alpes-Maritimes).
Joseph Peyré n'a jamais connu le Sahara. C'est grâce à la documentation que lui a apportée son frère, médecin méhariste, qu'il a su décrire ce désert. "Le Chef à l'Étoile d'Argent" lui valut le prix de Carthage et "L'Escadron Blanc" le Prix de la Renaissance.
le désert à Merzouga