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Audierne Polynésie Bretagne : Contes et légendes, Histoire. Minorités ethniques : Thai, H'mongs, Boni, Saramaca Civilisations disparues : Angkor (Camboge),Minoenne (Crète), Mayas et Aztèques (Mexique). Sud Maroc, Thaïlande

La légende du port de Bestrée

Erwan
Juste un petit rappel : le port de Bestrée se trouve à un mile du Bout du Monde, la Pointe du Raz. Situé sur sa côte sud, c'était ici que débarquaient les habitants de l'Ile de Sein lorsqu'ils venaient faire leurs courses sur la Grande Terre, et d'ici que partait l'approvisionnement de l'Ile.

 

 

 

 





Chanig an Ormand

 

 


Il y a eu un temps où le Raz était peuplé de navires si nombreux qu'il fallait attendre son tour pour passer entre l'île et le promontoire du Cap. Les flottilles de pêcheurs de morues voyaient passer en convois les hauts bords des navires de commerce. Les vaisseaux de guerre, battant tous pavillons, exerçaient leurs équipages dans le détroit redoutable et fameux.

 

 

 

 

 

 

 


 


 

Les plus hardis corsaires, toutes voiles dehors, louvoyaient si près de la côte que les huniers claquaient au ras de l'herbe courte. On parle même de gabiers qui auraient sauté du gréement à terre et choisi la liberté sans se fouler la moindre cheville ni lâcher le moindre juron.

 

 

 

 

 

 

 

 

 


 


 

Mais il arrivait à certains navires de faire escale au port de Bestrée. Par nécessité quelquefois, le plus souvent dans une intention de maraude.

 

 


 

 

 

 

 

 

 

 


 

Sur le Cap éventé paissaient des milliers de moutons roux sous la garde des filles de Lescoff. Ils n'étaient pas grands, mais de chair si succulente qu'on en rêvait encore, il y a vingt ans, sur le marché de Pont-­Croix.

 

 

 

 

 

 

 

 

 


 

 

Les aventuriers de mer étaient tentés de faire main basse sur ces animaux pour en améliorer leur triste pitance. Avant de vouer ces gens aux tourments d'enfer, il faudrait avoir navigué sur un voilier de ce temps-là. On comprendrait, du même coup, pourquoi ils emmenaient parfois la bergère avec ses moutons.

 

 

 

 

 

 

 

 

 


 

 

Les filles de Lescoff filaient leurs quenouilles en surveillant les troupeaux. Quand un navire passait à portée de voix, elles le hélaient par jeu : « Petit navire, petit navire, viens à la côte. J'irai matelot à ton bord. Matelot, non, mais capitaine. » Et de rire, les imprudentes sirènes au danger de tous les Ulysse laboureurs de vagues. Elles se croyaient en sûreté sur le haut promontoire, ce château de récifs entre la Mer Droite et la Mer Gauche.

 

 


 

 

 

 


 

 

 


 Mais, un beau jour, Chanig an Ormand se fit enlever par des Hollandais qui la prirent au mot.

 

 

 

 

 

 

 

 

 


 


Son histoire fit le sujet d'une belle gwerz, qui servait à danser dans les chapelles du Raz « pour la gloire de Dieu », avant que le père Maunoir ne vînt y mettre bon ordre.

 

 

 

 

 


 

 

 


 

Ensuite, elle devint le chant des veillées de Lescoff, celui que chacune et chacun devaient savoir avant même le credo qui est à tous les chrétiens. Chanig an Ormand appartient seulement au Cap.

 

 

 

 

 


 

 

 

 

Elle était sur l'étrave du Raz avec Marie Bourdon, son amie. Les filles de bon lieu vont deux par deux dès que leurs mères sont hors de vue. Et voilà qu'un navire aborde à Bestrée. Des pêcheurs de Camaret qui viennent pour la morue ? Mais ils ont l'épée au côté. Des gentilshommes en voyage ? Mais ils sont vêtus de rouge et de noir. Des capitaines embarqués pour le tour du monde, voilà ce qu'ils sont.

 

 

 


 


 

 

 

 

 

 

 


 

 

 


Marie Bourdon prend la fuite aussitôt. Mais Chanig an Ormand, au lieu de la suivre, ne peut se retenir de lancer l'appel naïf des bergères : « Petit navire... » A peine a-t-elle tourné le dos que les marins sont sur ses traces. Elle passe le Vieux Cairn, le Champ de la Pente. Va-t-elle atteindre la Mare aux Blaireaux ? Hélas ! La courroie de sa galoche a cassé au revers des Fosses. Les mains des païens s'abattent sur elle.

 

 

 



 

 















Chanig an Ormand descend à Bestrée en pleurant, prisonnière des Hollandais.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Les gars de Lescoff ne sont pas là pour écorcher les ravisseurs. Sa mère l'attendra en vain devant la bouillie au miel. En vain, elle demande qu'on la débarque au Vorlenn pour dire adieu.

 

 


 

 

 

 


 

 

 Elle doit choisir un des païens pour époux. Elle choisit le capitaine, ne pouvant mieux faire. Arrivée en Hollande, pleurant encore, elle troque sa jupe d'étoupe de lin contre une robe d'incarnat. Pleurant toujours, elle boit des vins doux au lieu de son eau de prunelle. Et elle finit par danser sur le pavé de la Hollande, vêtue de calamant écarlate brodé de soie jusqu'à terre.

 

 

 

 

 

 

 

 

 


 

 

Or, elle revint à Lescoff avec son mari. Elle revint chercher sa mère pour lui donner une vie meilleure.

 

 

 

 

 

 


 

 


 

Mais sa mère ne se consolait pas d'avoir un gendre païen. Elle voulait sa tombe en terre bénite à Plogoff. Chanig en Ormand dit adieu à ses sœurs sur le mur du cimetière et reprit la mer en laissant son livre de messe et son chapelet qui ne lui servaient à rien en Hollande. Elle gardait son alliance d'or.

 

 

 














 

 

 

Cette gwerz (histoire), la petite Lissen Jadé, de Kériolet en Cléden, et Marie-Josèphe Pansel, veuve de Jean-Guillaume Maréchal, de Lescoff, l'ont chantée en breton à M. Le Carguet, à la fin du siècle dernier. Et M. Le Carguet, qui était dans les écritures, la coucha bellement sur le papier sans en laisser perdre un seul mot. Il voulut même savoir ce que devint Marie Bourdon. On lui dit que la jeune fille, en courant à tête perdue pour échapper aux Hollandais, tomba sur son aiguille de bois à tricoter la laine. L'aiguille lui perça la joue, le sang coula d'abondance, elle s'évanouit. Alors, les matelots la laissèrent, bien qu'elle fût la plus belle fille de la Paroisse. On peut être païens et avoir des entrailles.

 

 

 

 

 

 

 

 

Pierre Jakez Hélias,

"L'esprit du rivage"

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


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Commentaires
E
Une belle histoire bien "filmée".Merci.
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@
Bonjour,<br /> <br /> Très très sympa ce reportage ...<br /> <br /> Bestrée !!! I Love ...<br /> <br /> De beaux clichés... <br /> Encore bravo ...<br /> <br /> Cordialement<br /> <br /> @ John USHANT de KELLER<br /> Guard of sheeps in Ushant Island<br /> <br /> 48°28'; Nord<br /> 5°06'; Ouest
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L
Bonjour J-Y,<br /> Des paysages mystiques et qui sentent bon l'iode. Un régal pour les yeux que de voir cette infini d'océan. Heureusement l'île de Sein est là pour nous dire que la terre ne s'arrête pas qu'à l'autre bout de l'océan.<br /> A bientôt :)
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S
Voilà qui ma rappelle de bons souvenirs... Deux ans déjà... Très jolie la photo avec la petite église... La Bretagne, on peu la photographier, comme la peindre d'ailleurs indéfiniment, parce qu'elle est toujours changeante, les jeux de lumières, l'océan...<br /> Je te souhaite de terminer la semaine en beauté. Bisous et à bientôt.<br /> Soledad<br /> Tu peux aussi retrouver mes photos ici: http://avec-les-yeux.over-blog.fr
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C
Elle me plait bien cette légende de Chanig...et pour cause !!!<br /> Merci pour ces belles photos d'une région chère à mon coeur. Hier encore j'étais dans notre région. J'ai fait le plein de photos d'hortensias entre autres !!!<br /> Bon vent pour l'île de Sein. <br /> Gros BiZHous de Channig ar Millier
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