Delta du Mékong : Le marché flottant de Cai Rang
"Par une nuit claire, en levant les yeux vers les étoiles, on voit une immense bande blanchâtre qui traverse en charpe la voûte du ciel. C'est le Fleuve d'Argent : sur chacune de ses rives vit l'un des époux Nguu, séparés l'un de l'autre par l'Empereur du Ciel. Retournons dans le passé et découvrons leur histoire."
Or ce jeune pâtre était beau, si bien que "Chuc Nu" ne put demeurer longtemps insensible à ses regards. Et "Nguu Lang" n'osa croire à son bonheur. Quand l'Empereur s'aperçut de leur inclination mutuelle, il ne la contraria point, mais leur permit de s'épouser, exigeant seulement que chacun d'eux continuât son métier après leur mariage.
Au milieu des délices partagés, "Nguu Lang" et "Chuc Nu" oublièrent hélas, l'ordre de l'Empereur. Les paysages du ciel offraient leur cadre de rêves aux promenades sans fin des jeunes amoureux, qui négligèrent complètement les travaux d'autrefois devenus sans attrait. Laissés à eux-mêmes, les troupeaux vagabondaient à travers les champs du ciel. Le métier ne faisait plus entendre son chant actif et les araignées venaient y tisser leurs toiles.
L'Empereur de Jade se montra aussi sévère qu'il avait été bon. Il sépara les deux époux, qui durent reprendre leurs occupations, chacun d'un côté du Fleuve d'Argent. Et depuis lors, tous deux regardent par-dessus la nappe lumineuse : loin l'un de l'autre, ils ne cessent de penser à l'autre.
Une fois par an, il leur est permis de se rencontrer : au septième mois, qui s'appelle ainsi "le mois des Nguu". Chaque fois qu'ils se retrouvènt, "Nguu Lang" et "Chuc Nu" versent des larmes de joie ; ils pleurent de nouveau quand vient le moment de la séparation. C'est pourquoi les pluies tombent si abondamment au septième mois, les "pluies de Nguu". De plus, si vous allez à la campagne à cette époque de l'année, les paysans vous font remarquer la disparition des corbeaux : ils sont montés au ciel pour porter le pont qui permet aux époux de se rejoindre."
extrait de "Légendes des terres sereines"