Empire Khmer ; un "Temple-Plat" : Preah Ko
On rencontre au Cambodge une autre catégorie de temples, et, qui par opposition au Temple Montagne présenté dans l'article précédent, sont désignés par le terme "temple plat". Ces derniers sont des sanctuaires dont la fonction est de rendre hommage aux ancêtres défunts du roi. Ci-dessous, maquette du temple :
Vue arrière :
En 879 sont consacrées les six tours de brique du monument de Preah Kô, abritant trois images de Çiva, et trois images de la Déesse, pour trois prédécesseurs d'lndravarman 1er et leurs épouses, considérés comme des protecteurs du royaume.
Edifié par Indravarman 1er le temple de Preah Kho comporte six "prasat" alignés sur deux rangées. Ornés de bas-reliefs de grès et de plâtre, ils font face à l'Est. Trois "Nandin", taureaux sacrés, monture de Shiva, se dressent devant les tours. (D'où le nom du temple : le Taureau Sacré).
Prasat est un mot thaï et khmer qui veut dire palais ou château et, par extension, pour certains édifices, temple, mais aussi chapelle, gite d'étape, hôpital. Le prasat est une structure en forme de tour reproduisant la montagne cosmique, le mont Méru.
Le prasat n'est jamais directement en contact avec le sol : il est édifié sur une plate-forme de latérite ou de grès avec un escaler d'accès.
Les monuments khmers (temple d'état ou sanctuaire) n'utiliseront jamais l'arc pour leurs voûtes mais uniquement l'encorbellement. La raison de cet emploi exclusif de la voûte encorbellée semble d'ordre religieux, peut-être par désir d'exprimer les mondes superposés au sommet desquels trônent les dieux.
Chaque sanctuaire abrite la cella, minuscule cellule de cérémonie, ayant une seule ouverture, une porte, généralement orientée à l'Est, autrefois munie de battants en bois. C'est un tabernacle qui protège la présence divine.
De chaque côté des portes, des niches en grès abritent les gardiens du seuil : les "dvarapala" pour les ancêtres masculins et les "devada", divinités féminines pour les ancêtres féminins.
Aux autres points cardinaux, il comporte par symétrie des fausses-portes en pierre, probablement à l'identique de celle en bois.
Le sanctuaire n'est pas un lieu de réunion pour les fidèles appelés à prier ; ils n'y sont d'ailleurs pas admis et seuls les brahmanes initiés peuvent y pénétrer pour célébrer l'office. Le prasat abrite tout juste la représentation du dieu principal.
Ci-dessous, sculpture d'un linteau de porte :
En Asie du Sud-Est des mois de quasi-sécheresse suivent les mois de mousson, particulièrement dans la région au nord du lac Tonlé Sap. Cette région ne peut être réellement exploitée qu'avec abondance d'eau, que les rivières ou les pluies ne peuvent assurer.
Pour assurer un approvisionnement constant en eau, réguler la production de riz et maîtriser les crues, les Khmers édifièrent tout un réseau de canaux, de fossés, de bassins et de réservoirs.
Dès son avènement, Indravarman 1er entreprit la construction d'un immense lac artificiel, le baray de Lolei (connu des archéologues sous le nom de Indratatâka). Ce lac est aujourd'hui asséché.
Un baray est, dans l'empire khmer, un vaste quadrilatère entouré de hautes digues. L'aménagement des baray permet un réseau hydraulique élaboré. Le mode de fonctionnement des baray est simple : son remplissage se fait par les eaux de pluie ou des rivières. Ces eaux alimentaient aussi les douves des deux temples, le Bakong et le Preah Kho.
Le baray de Loleil avait une superficie de quelques 300 ha et une capacité, au minimum, de dix millions de m3 et se trouvait constitué par des digues en terre qui retenaient les eaux captées d'un des deux cours d'eau permanents de la région : le stung Roluos (la rivière de Roulos).
Le baray fut disposé de façon à se remplir par une simple prise en son point le plus haut, son angle N.E., puis à redistribuer automatiquement les eaux à partir de son point le plus bas au S.W. suivant la pente naturelle du terrain.
En période de sécheresse, et grâce à la pente naturelle du terrain, l'eau est redistribuée par un système de canaux dans les rizières. La réserve d'eau accumulée dans le baray et dans les douves des deux temples permettait de produire deux à trois récoltes de riz par an au lieu d'une seule.
Les seules nécessités techniques et alimentaires ne sauraient expliquer ces travaux colossaux s'il n'y avait en parallèle d'importantes considérations religieuses. Bien souvent la toponymie khmère ancienne montre cette volonté de reconstituer au Cambodge la géographie sacrée des Indes, avec ses montagnes, ses fleuves, ses sources.