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Conte de Noël Breton

Jean Yves

La souche de Noël

 

 

Les gens du pays l'appelaient Ni. Elle avait eu un autre nom, mais il serait perdu en route, au fur et à mesure qu'elle escortait au cimetière les membres de sa famille et, à chaque fois, il se perdait un peu plus. Voilà qu'ils étaient tous partis piquer des poireaux à Saint-Nic, façon de dire qu'ils étaient morts jusqu'au dernier.

 

 

 

D01

 

 

 

Maintenant, la femme restait seule dans sa maison avec sa vache et son tricot. La vache lui tenait chaud, n'étant séparée d'elle que par une cloison à mi-hauteur.

 

 

 

D02

 

 

 

Le tricot lui servait à venir à bout de ses journées, rien de plus. Elle n'en tirait ni bas, ni gilet, ni châle, ni écharpe, rien que des choses informes à défaire aussitôt avant de les recommencer. Jamais elle n'ouvrait la bouche la première. Quand on lui adressait la parole, elle faisait toujours la même réponse : "Ni rien".

"Le temps est beau, n'est-ce pas!

- Ni rien.

Vous allez au bourg ?

- Ni rien."

 

 

 

D03

 

 

 

Si elle avait d'autres ni dans la tête, personne n'en a jamais rien su. Mais ce Ni lui était resté. Son nom de baptême était Marie-Josèphe et ses parents s'appelaient Sauveur. Si je vous le dis, c'est parce que c'est marqué sur le registre de la mairie.

 

 

 

D04BaieTrépassés

 

 

 

Le chemin creux qui menait à sa maison était bordé de deux grands talus sur lesquels se dressaient à la file, de place en place, des têtards de chêne. Chaque année, à la fin de l'hiver, Ni déracinait l'un deux pour le mettre à sécher dans l'appentis.

 

 

 

D05

 

 

 

La nuit de Noël venue, elle le faisait rouler dans le foyer, sur une couche de bois menu et d'aiguilles de pin. Elle y mettait le feu mais se gardait  bien de laisser le morceau de chêne brûler trop longtemps.

 

 

 

D06

 

 

 

La souche de Noël, en vérité, passait pour éloigner la foudre. On la choisissait de bonne taille pour pouvoir la garder tout au long de l'année. Chaque fois qu'éclatait un orage, on s'empressait de la rallumer et l'on était sûr d'éviter tout mal. Et maintenant, vous savez à quel propos cette Ni avait le cœur faible : elle redoutait beaucoup le feu du ciel.

 

 

 

D07

 

 

 

Or, une veille de Noël, la femme se trouvait dans son champ avec sa vache et son tricot. II était à peine 4 heures de l'après-midi. Soudain, la nuit tomba autour d'elle, ses aiguilles jetèrent des éclairs bleus.

 

 

 

D08PorsPoulhan

 

 

 

Et Ni de laisser choir son tricot dans l'herbe, d'arracher le pieu qui attachait sa vache au pré, d'enrouler la corde et de chasser la pauvre bête vers la maison à force de clameurs.

 

 

 

D09Penhors

 

 

 

Un éclair fendit le ciel sur la gauche. La femme se boucha les oreilles avec les poings. Mais le bruit du tonnerre la traversa de pied en cap. Heureusement, elle n'était pas loin de sa maison. Elle y poussa sa vache et courut au foyer. Elle avait disposé d'avance, pour la nuit à venir, la souche de Noël sur un lit de petit bois.

 

 

 

D10PhareMillet

 

 

 

Ni se hâta de frotter une allumette, mais le petit bois refusa de prendre feu. Il avait plu le matin et, en raison de la direction des vents, la cheminée avait pris de l'eau.

 

 

 

D11

 

 

 

L'orage se déchaîna, épouvantable. La maison tremblait d'un bout à l'autre sous les coups de tonnerre. Ni avait beau arranger le bois de son mieux, présenter ses allumettes de tous les côtés, rien à faire pour enflammer la souche de Noël.

 

 

 

D12StTugen

 

 

 

Soudain, la foudre s'abattit sur la cheminée. Le pignon de la maison se trouva fendu de haut en bas par une lézarde aussi large qu'une main, si bien qu'on voyait, à travers elle, fumer le verger comme l'enfer.

 

 

 

D13PorsPoulhan

 

 

 

Quelque part, un chien aboyait à la mort. La tête perdue, Ni s'efforçait toujours d'allumer le feu. A la fin, la flamme pris dans le petit bois et se mit à lécher la souche. Et alors, croyez-moi si vous voulez, la lézarde se referma bellement et l'orage tomba jusqu'à rien.

 

 

 

D14

 

 

 

Pour une fois, Ni trouva bon de parler pour conter le miracle. Après quoi, elle devint aussi avare qu'avant de ses paroles.  Mais elle avait changé sa réponse :

"Il fait beau, n'est-ce pas ?

– Ni le tonnerre.

Vous allez au bourg ?

- Ni le tonnerre."

 

Ni Le Tonnerre, voilà le nom qui lui resta jusqu'à la fin.

 

 

Pierre Jakez Hélias

(Les autres et les miens)

 

 

 

D15PtDuVan

 

 

 

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Commentaires
C
En lisant ce magnifique conte on a l'impression de la connaître cette NI ....et tes images sont, comme toujours, parlantes aussi. Je me retrouve "chez moi" et j'y suis bien !!<br /> A bientôt et BiZHous JY
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G
Etonnante "histoire vraie" racontée par Per-Jackez Hélias, qui a su nous rapporter des souvenirs de son beau Pays Bigouden... Images et ambiance musicale lui donnent encore plus de mystère... merci<br /> de ce partage !<br /> Cordialement
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B
Joli conte de Noël, superbes photos .....que du bonheur breton ....Bonnes fêtes<br /> Jean
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P
Merci ,j'ai aimé... Bon réveillon chez toi... amitiés
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A
de très belles photos ... mois de décembre bien occupé et aussi un peu malade, mais ouf, je vais mieux .. je te souhaite aussi un très bon Noël avec les tiens. bonne semaine festive
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