Soleil Couchant 03
"Le Large…C'est là que se trouve, au mépris des portulans dérisoires et des cartes vaines, le Paradis sans latitude ni longitude que les Celtes trouvèrent en eux-mêmes sans sextant ni boussole…
Les Irlandais l'appellent Tir na N'Og et les Bretons Bro ar Re Yaouank, qui veut dire la Terre des Jeunes, parce que le temps n'y est pas compté pour les Bienheureux qui l'habitent et dont l'âge s'éternise dans sa fleur…
Une île, ou peut-être des îles, on ne sait pas, terre flottante, c'est sûr, une ou plusieurs, et qui ne tient à nul continent, ne connaît qu'une fois la même vague, ne reste qu'un instant à l'aplomb de chaque étoile…
Elle est beaucoup plus loin qu'on ne saurait jamais dire, au-delà du dernier mille imaginable, et pourtant il suffit d'une seule marée pour la rejoindre…
Mais il faut le vent haut, le vent d'amont, du moins le vent de bise pour porter en kornog, qui est plein ouest. Vent de galerne, rien ne vaut que l'attente ; et celui de suroît est damnation, qui fait dériver dans un océan spectral où la brume est plus épaisse que l'eau, et la lune plus blême que la chair des morts…
Voilà ce que l'on disait à Molène et dans les autres terres infimes qu'embrasse l'eau salée, dans les ports des grèves, des criques, des anses, des pointes et des caps qui regardent, chaque soir, l'étonnante fantasmagorie du soleil sur la mer. Et l'on cesse de le dire, hélas, depuis que se perd dans les mémoires l'antique science de la voile et des lits du vent.
Ainsi s'éloignent les paradis.
(Texte -extraits- de Pierre Jakez Hélias : Les paradis du couchant)
L'appel du large ! Aucun Breton ne peut rester insensible en voyant cet horizon qui vous tend les bras, qui vous aspire. Je veux aller voir ce qu'il y a là-bas derrière cette ligne d'horizon. Je pars donc en vacances pour des terres lointaines, vers d'autres peuples, d'autres civilisations.
Rendez-vous après le 20 octobre.