Le monument aux marins péris en mer




L’homme est en mer. Depuis l’enfance matelot,
Il livre au hasard sombre une rude bataille.
Pluie ou bourrasque, il faut qu’il sorte, il faut qu’il aille,
Car les petits enfants ont faim. Il part le soir,
Quand l’eau profonde monte aux marches du musoir.
Il gouverne à lui seul sa barque à quatre voiles.
Lui, seul, battu des flots qui toujours se reforment,
Il s’en va dans l’abîme, et s’en va dans la nuit.
Dur labeur ! Tout est noir, tout est froid ; rien ne luit.

Dans les brisants, parmi les lames en démence,
L’endroit bon à la pêche, et, sur la mer immense,
Le lieu mobile, obscur, capricieux, changeant,
Où se plaît le poisson aux nageoires d’argent,
Ce n’est qu’un point ; c’est grand comme deux fois la chambre.
Or, la nuit, dans l’ondée et la brume, en décembre,
Pour rencontrer ce point sur le désert mouvant,
Comme il faut calculer la marée et le vent !
Comme il faut combiner sûrement les manœuvres !
Les flots le long du bord glissent, vertes couleuvres ;
Le gouffre roule et tord ses plis démesurés
Et fait râler d’horreur les agrès effarés.
O Dieu ! Le vent rugit comme un soufflet de forge.
La côte fait le bruit d’une enclume, on croit voir
Les constellations fuir dans l’ouragan noir
Comme des tourbillons d’étincelles dans l’âtre.
Et c’est l’heure où minuit, brigand mystérieux,
Voilé d’ombre et de pluie et le front dans la bise,
Prend un pauvre marin frissonnant et le brise
Aux rochers monstrueux apparus brusquement ;
Horreur ! L’homme dont l’onde éteint le hurlement,
Sent fondre et s’enfoncer le bâtiment qui plonge ;
Il sent s’ouvrir sous lui l’ombre et l’abîme, et songe
Au vieil anneau de fer du quai plein de soleil !
Victor Hugo
Tout au bout de la Pointe du raz, un autre monument , plus religieux celui-là, nous rappelle que le pays a souvent été marqué par les disparitions en mer.

Et sur les ligneurs qui, encore au crépuscule, pêchent le bar dans le Raz. (On aperçoit également les écueils qui entourent l'Ile de Sein).
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De 1947 à 2006, ce sont 63 bateaux sur lesquels se trouvaient des pêcheurs du Cap Sizun qui ont sombré.
Les années les plus noires ont été 1951 avec 5 naufrages, 1958 avec 6, 1962 avec 5.
82 marins âgés de 19 à 65 ans y ont laissé la vie. L'âge moyen est de 40 ans.