Une ancienne capitale Khmère : Koh Ker
Si Angkor est la cité la plus célèbre, elle n'était pas l'unique capitale du royaume. D'autres cités, parfois perdues dans les forêts, riches en ruines grandioses, pouvaient se parer du titre de capitale.
Après l’établissement de l’Empire Khmer dans la région d’Angkor (Roluos), Jayavarman IV déménagea la capitale en 928 à pratiquement 100 kilomètres au Nord-Est à Koh Ker. Capitale éphémère, occupée par un souverain dissident, son "activité" ne dura que vingt-cinq ans.
Un nombre important de temples a été construits sur ce site sous son règne, jusqu'à ce que son successeur retourne à Angkor.
Le site de Koh Ker est dominé par le Prasat Thom un temple montagne en forme de pyramide de 7 étages et de 40 mètres de haut, sur une base de 55 m2, s’élevant au-dessus de la plaine et les forêts alentours.
Le long du site de Koh Ker se trouve de nombreux Prasat ou tours sanctuaires.
Tous ces temples sont très dégradés, d'une part par la végétation, d'autre part par la visite de nombreux pillards qui prélèvent statues et sculptures pour un commerce très lucratif.
Actuellement, chaque temple un peu important est gardé par un ou deux gardiens ou gardiennes.
La zone a seulement été déminée récemment (2008). Les équipes de déminage ont déterré dans le secteur 1 382 mines et 1 447 212 pièces d'engins explosés ou non. S'éloigner des chemins tracés serait encore dangereux.
Ce site est situé à deux heures de Siem Reap par une piste maintenant entretenue. Cela donne à Koh Ker un côté attrayant de temples déserts, recouverts en partie par la forêt.
Le nom des rois de l'Empire khmer se termine toujours (ou très souvent) par le suffixe "varman" qui signifie "qui a pour cuirasse…", (ou "le protégé de …"). Le premier terme est une désignation de Shiva ou d'un autre dieu (Indra, Surya) ou d'une entité abstraite, tel que "Jaya" (Victoire), "Yasas" (Gloire) ou encore "Harsa" (Joie).
Ainsi Indravarma se traduit par "Celui qui a pour cuirasse Indra" ou "le Protégé de Indra", Jayavarman par "Celui qui a pour cuirasse la victoire" et Suryavarman par "Celui qui a pour cuirasse le soleil" ou "Le Protégé du Soleil".
Et, sans doute, pour rendre plus confuse l'histoire des Khmers aux futurs explorateurs, ces rois changent de nom à leur mort. Ce nom posthume est le seul qui sera par la suite utilisé sur les stèles.
Ainsi Suryavarman, "le Protégé du Soleil", devient Paramavinuloka, "Celui qui est parti au monde suprême de Visnu".
Le roi accède normalement au pouvoir par voie de filiation, et les généalogies royales remontent aux origines mythiques du royaume. A ces origines se rattachent deux lignées dynastiques qui selon le schéma indien traditionnel sont respectivement "lunaire" et "solaire".
La lignée lunaire remonte au couple constitué par le brahmane Kaundinya et la naga Soma à l'origine de la naissance du Funan.
La lignée solaire descend d'un couple constitué par Kumbu (un sage ancêtre des kambuja) et de Mera, une "Apsara".
Les Apsaras, littéralement "celles qui glissent sur l’eau", sont des nymphes célestes d'une grande beauté, sorties des flots lors du barattage de la mer de lait. Ce sont les compagnes des Deva autant que des Asura.
Les Deva (dieux en sanskrit, entité bienfaisantes) qui étaient alors mortels, épuisés par leur lutte pour la maîtrise du monde, ont décidé d'unir leurs forces à celles des Asura (êtres divins et puissants principalement connus pour faire le mal) afin d'extraire la liqueur d’immortalité, appelée l’amrita (l'ambroisie, dans la mythologie grecque), de la mer entourant le mont Méru.
Après de nombreux efforts, le barattage produisit des objets et des êtres merveilleux dont les Apsaras.
Les Apsaras symbolisent le plaisir des sens et de l'esprit. On dit qu'elles connaissent 64 manières d'éveiller les sens.
Les Apsaras sont ainsi associées aux rivières et à la mer (c'est l'équivalent des néréides de la mythologie grecque). On leur adjoint des oiseaux comme le cygne.
"En pleine mêlée de ronces et de lianes ruisselantes, il faut se frayer un chemin à coup de bâton pour arriver à ce temple. La forêt l'enlace étroitement de toutes parts, l'étouffe et le broie ; d'immenses «figuiers de ruines», achevant de le détruire, y sont installés partout jusqu'au sommet de ses tours qui leur servent de piédestal. Voici les portes ; des racines, comme de vieilles chevelures, les drapent de mille franges…" (Pierre Loti, le pèlerin d'Angkor)
Sources pour la royauté Khmer : "Les Khmers" de Bruno Dagens
Bruno Dagens :
Né à Nimègue (Pays-Bas) en 1935, il obtient le CAPES d’histoire et géographie et enseigne de 1964 à 1965 à Obernai. Puis il est détaché auprès du ministère des Affaires étrangères comme expert auprès de la Conservation d’Angkor de 1965 à 1969. Il intègre l’EFEO (Ecole Française d'Extrême Orient) en 1969, et reste en poste pour trois ans au Cambodge, effectuant parallèlement des missions en Inde…
Au Cambodge, il fait des recherches sur l’iconographie et l’architecture de monuments de la période angkorienne accompagnées de prospections systématiques.
Affecté à Pondichéry en octobre 1977, il assure la direction (par intérim) de la section d’indologie de l’Institut français de Pondichéry, entreprend des missions d’évaluation au Cambodge (EFEO/ministère des Affaires étrangères, avril 1985) et au Laos (Unesco, projet de restauration de Vat Phu, avril 1986).
Depuis février 1986, professeur d’histoire ancienne et d’archéologie de l’Asie du Sud et du Sud-Est (université Paris-III), B.Dagens est également responsable de programmes EFEO/ministère des Affaires étrangères/Unesco.