Les Mayas : maïs, cacao, tabac et haricots
Plante divine chez les Mayas et les Aztèques, le maïs est associé à l'astre roi, le Soleil, symbole de la vie et de la résurrection.
Selon le Popol Vhu (livre sacré des Mayas Quichés, rassemblant des textes antérieurs à la conquête espagnole sur la mythologie et la cosmologie de ce peuple), l'être humain aurait été façonné par les dieux avec du maïs, de l'eau et du sang de serpent.
Des grains de maïs sont placés dans la bouche des morts lors des rituels funéraires.
Le dieu du maïs (Yum Kah) était représenté comme un jeune homme, dont la tête était ornée d'un épi de maïs. Le hiéroglyphe de son nom est sa propre tête, surmontée de la représentation d'un épi de maïs fortement stylisée et couvert de feuillage.
Son chiffre était le huit et il était associé au sud et à la couleur jaune. Il était le dieu tutélaire du Kan (le maïs mûr) honoré le quatrième jour du mois maya. Il avait beaucoup d'ennemis ou de protecteurs et son destin même était contrôlé par d'autres dieux, ceux de la Pluie, du Vent, de la Sécheresse, de la Famine et de la Mort.
Dieu du maïs, temple de la Croix feuillue, Palenque
Le maïs sauvage a été domestiqué entre – 7000 et – 5000 avant JC dans la région de Puebla et d'Oaxaca. En choisissant pendant des milliers d'années les épis les plus beaux, les peuples de la Mésoamérique ont favorisé la plante jusqu'à obtenir un maïs parfaitement adapté à son milieu naturel. C'est un cas rare de modification génétique par domestication.
Glyphe du maïs
"D'un point de vue médical, les "sortes de cheveux " sortant de l'épi, seraient un excellent diurétique. Les médecins recommandent ce remède pour lutter contre les problèmes rénaux, les maladies du foie mais aussi en cas de problèmes cardiaques. Le maïs grillé était reconnu comme un bon astringent et donc conseillé en cas de diarrhée. Quant à la pâte de maïs, elle était appliquée en cataplasme sur le corps en cas de blessures, tumeurs, ulcères…"
Les villages mayas étaient entourés de "milpa" : ce sont des champs défrichés par la technique itinérante du brûlis. Le feu est mis à la végétation en saison sèche (fin mars, début avril). Les cendres fertilisent le terrain.
Les Mayas gardaient les arbres brûlés debout en l'état : ceux-ci favorisaient la reprise de la végétation lorsque la terre était remise en jachère après avoir été cultivée deux ou trois fois de suite.
Le maïs était semé au début de la saison des pluies grâce à un bâton pointu, d'où l'importance que les Mayas accordaient au dieu de la pluie. Ci-dessous, fresque de Diego Rivera, Palais National de Mexico :
Le maïs était la nourriture de base et pouvait être consommée en solide ou en liquide. Les grains trempaient toute la nuit dans de l'eau additionnée de chaux et étaient moulus le lendemain. Avec la pâte ainsi obtenue, on confectionnait des "tamales", des boules de pâtes farcies de légumes ou de viande cuite à la vapeur et enveloppées de feuilles de maïs.
Le "pinole", du maïs grillé et moulu, délayé dans du cacao, servait de boisson.
Il semblerait que les galettes de maïs (les tortillas) soient apparues plus tardivement.
Ci-dessous, de jeunes Indiennes du Chiapas se régalent d'épis de maïs fichés sur un bâtonnet :
Christophe Colomb rapporte en Europe cette céréale qu'il nomme "blé d'Inde" en référence aux Indes qu'il pense avoir atteintes.
Cette plante est cultivée d'abord en Espagne puis en Europe depuis le XVIè siècle. En France, elle s'impose sous le règne d'Henri IV dans le sud-ouest et remplace peu à peu le millet.
Les Mayas connaissaient le cacao depuis environ l'an 600 avant JC. On a retrouvé dans des tombes des récipients de terre cuite ayant appartenu aux dignitaires mayas et contenant des traces de cacao.
Ci-dessous, fresque de Diego Rivera, Palais National de Mexico :
Et gousses de cacao encore vertes (photo prise en Polynésie) :
La culture du cacao s'est répandue dans les régions humides du Chiapas, du Tabasco et des basses terres du Guatemala. Si le mot cacao vient du maya (cacaw), le mot chocolat vient lui de la langue aztèque (xoco-alt). C'est à la fois une ressource alimentaire et une monnaie d'échange. La boisson que l'on en tire est sacrée.
(Fresque de Diego Rivera, Palais National de Mexico)
Le chocolat que buvaient ces peuples était une boisson froide et amère. Ils y ajoutaient du piment, de la cannelle, du poivre, selon les goûts de chacun. Souvent réservé à l'élite, on en donnait aussi à ceux qui faisaient un travail pénible, car ses vertus sont stimulantes.
"En plus de son pouvoir énergétique et équilibrant, les peuples de la Mésoamérique buvaient du chocolat additionné de miel et de vanille pour combattre la dysenterie et les problèmes urinaires. Les médecins les recommandaient en cas d'anémie et de faiblesse corporelle."
A son arrivée sur l'île de Guanaja en 1502, Christophe Colomb reçoit des Aztèques des fèves de cacao et un bol de chocolat froid, âcre et fortement épicé. Cela ne lui donne pas envie de ramener en Espagne ce genre de graines infectes.
En 1519, Hernan Cortes débarque au Mexique et les guerriers aztèques s'empressent également de lui offrir ce breuvage. Son compagnon, Bernard Diaz Del Castillo est très impressionné par les jarres de chocolat mousseux fabriquées pour la garde de l'Empereur aztèque qui lui déclare : "lorsque l'on en boit, on peut voyager toute une journée sans fatigue et sans avoir besoin de nourriture".
En 1527, Cortes rapporte une cargaison de fèves de cacao à la Cour du roi d'Espagne. Le chocolat n'y suscite à ses débuts qu'un enthousiasme modéré, mais il devient à la mode dès qu'on lui ajoute du sucre de canne ou du miel. L'Empereur Charles Quint raffole du chocolat, et à partir de 1580, la route du chocolat est tracée entre le Mexique et l'Espagne. Les Flandres et le Pays Bas Espagnol connaissent avant les autres pays Européens les délices du chocolat.
La recette de la préparation est gardée secrète en Espagne.
Mais en 1609, les Juifs fuyant l'Inquisition en Espagne se réfugient en France et débarquent à Bayonne. Parmi eux se trouvent de nombreux chocolatiers. La Cour de France découvre le chocolat lors du mariage de l'infante Anne d'Autriche, fille de Philippe III d'Espagne, avec Louis XIII en 1615.
C'est en 1674 qu'apparaissent les premières tablettes de chocolat à croquer.
Le tabac était surtout une plante médicinale et rituelle. Il était réservé aux prêtres et aux rois lorsqu'ils se rendaient tout en haut des marches dans leurs temples sacrés. En plus des substances hallucinogènes comme certains champignons, le tabac fumé sous forme de cigare, plus fort que le tabac actuel, les aidait à entrer en transe et à pratiquer l'autosacrifice qui consistait à des effectuer des saignements de différentes parties de leur corps.
(Tapis chez un artisan du Chiapas)
"En tant que plante médicinale, les chamans utilisaient les feuilles de tabac fraîches, qui appliquées sur le front, combattaient les maux de tête. Les feuilles séchées étaient frottées sur les muscles fatigués ou sur les rhumatismes pour soulager les douleurs. En décoction, elles servaient de purge contre les rhumes et la fièvre. Sous forme de tabac à priser, le tabac était sensé soulager les migraines."
C'est Christophe Colomb qui fit connaître le tabac à la cour d'Espagne. Il est adopté en Europe au cours du XVIè et XVIIè siècle.
En 1556, un moine, André Thevet, l'introduit en France sous forme de graines et entreprend sa culture.
L'ambassadeur de France au Portugal, Jean Nicot de Villemain envoie à Catherine de Médicis du tabac réduit en poudre pour soulager ses douleurs. A partir de ce jour son usage se répand en France. Cependant, il reste un produit rare et cher, utilisé surtout par la noblesse et les marins voyageant au loin.
Sous Louis XIV, Colbert fait du tabac un privilège royal : fabrication, vente et distribution sont désormais un monopole d'état. (Suite d'ailleurs à une augmentation du tabac et de diverses des taxes, une révolte éclata en Bretagne sous louis XIV. Voir :
La cigarette, apparue sous le règne de Louis XVI, est manufacturée depuis 1830. Les premiers ravages du tabagisme sont constatés dès le XIXè siècle et l'association française contre l'abus du tabac naît en 1868.
Après le maïs et le cacao, les haricots étaient tout aussi importants pour les peuples de la Mésoamérique. On y trouve actuellement sur le marché des haricots de toutes couleurs (photo ci-dessous). Les Mexicains les préparent surtout en purée. Par contre, ne cherchez pas à vouloir à tout prix déguster un bon "chili con carne" : cela n'existe pas au Mexique. C'est tout simplement une spécialité française !
Sources :
- Historia N° 84, juillet/août 2003 : Mayas, Incas, Aztèques, les peuples du Soleil.
- Historia N° 749, mai 2009 : les Mayas.
- L'écriture maya, Maria Longhena.
- Les Mayas : Claude-François Baudez.
- Médecine traditionnelle au Mexique des Aztèques à nos jours de Martine Pédron (pour les passages en italique).
Martine Pédron, ethnologue, à partir de 1975, et pendant vingt ans, passe de trois à six mois par an dans la sierra Tarahumara mexicaine, à plus de 2000 m d’altitude, dans une communauté isolée située à deux jours de marche du premier village.
Elle s’initie alors aux rites curatifs des chamans et acquiert une parfaite connaissance des plantes médicinales et des plantes alimentaires sacrées dont les vertus se sont transmises traditionnellement depuis la civilisation aztèque.
À partir de 1995, ayant développé son intérêt pour le chamanisme, elle étudie les traditions des curanderos, guérisseurs de la selva de Los Tuxtlas, dans la province de Veracruz.
Partageant l’intimité de ces guérisseurs, elle s’initie à leurs techniques de guérison et à leurs rituels magiques honorant les divinités protectrices de leur communauté.
Diego Rivera (1886/1957) est un peintre mexicain connu pour ses fresques murales, en particulier pour celle réalisée dans le palais national de Mexico. C'est une œuvre magistrale couvre près de 450 m² et regroupe plus de 200 personnages.
Ci-dessus : dessins de Pierre Joubert, illustration tirée de la BD les voyages d'Alix, "les Mayas" de Jean Torton et Jacques Martin (voir les références complètes dans l'article : "Mayas : le Cénote Sacré de Chichen Itza").