Les Mayas : astronomes ou astrologues ?
"Le pays maya, le Peten, le pays des savanes, c'est d'abord le pays du soleil. Plat, aride, dénudé, désert habité où ne coulent pas de rivières, territoire sans vallées ni montagnes, nulle part l'on a été plus proche du soleil. Ici le ciel est immense, l'horizon illimité comme sur la mer. Dans ce ciel si vaste, le soleil, chaque jour, trace une route longue et régulière, qu'on ne peut oublier ; il crée un temps visible dont on ne peut se distraire. Et la nuit, au-dessus de cette terre obscure, il y a des millions d'étoiles qui brillent avec force, qui écrivent leurs signes. Toute action, toute vie sont sous le regard de l'espace…
Toujours présent, le soleil. Kin, le soleil, le jour, c'est la mesure du temps, l'origine du dieu unique, Hunab Ku, le créateur de toutes choses et l'ordonnateur de la vie terrestre. C'est en suivant cet ordre que les Mayas inventèrent le calendrier solaire, qui précéda certainement toutes les autres sciences. Pour ce peuple, vivant si près du soleil, sur cette terre si exposée, la grande urgence, c'était de comprendre le temps."
Toutes les découvertes astronomiques des Mayas sont le fruit de la simple observation : des prêtes ou des scribes passent leurs nuits à scruter la voûte terrestre, et ce durant plusieurs générations. Ces observations se déroulent dans des bâtiments retrouvés sur les sites mayas.
"Les Mayas veulent tout savoir sur leur destinée :
Avant de se comprendre soi‑même, avant de connaître l'histoire, il fallait comprendre les lois du ciel, car c'était dans le ciel que se trouvait l'explication du mystère, la clef de l'avenir…
Ainsi, tout fut organisé selon le plan et le dessein du ciel et du soleil. Les citadelles, les temples, les pyramides furent construits en suivant cet ordre…"
Dans le Yucatan, à Chichen Itza, Le Caracol est le bâtiment le plus représentatif avec ses ouvertures en quinconce, sa pièce avec des meurtrières de visées. Les fenêtres intactes du premier étage semblent pointer dans des directions bien précises : levers de soleil aux solstices et aux équinoxes, levers et couchers héliaque de Vénus comme étoile du matin et du soir.
Toujours à Chichen Itza, la pyramide appelée "Le Castillo" est une pyramide parfaite de quatre côtés comportant chacun un escalier de 91 marches, aboutissant à un total de 364 marches, et 365 si l'on ajoute la plate-forme permettant d'accéder au temple de Kukulcan (Le serpent à plumes), soit le nombre de jours du calendrier solaire.
Sur cette même pyramide, au moment des équinoxes de printemps et d'automne, le soleil projette l'ombre des coins de la pyramide sur le grand escalier, formant le corps d'un serpent qui rejoint la tête sculptée au bas de l'escalier.
Le site de Tulum face à la mer, sur la côte caraïbe, possède également un observatoire.
Sur la plupart des sites cérémoniels, rien n'est construit au hasard : les temples et les pyramides sont construits pour suivre le parcours des astres, et deviennent quasiment des "calendriers de pierre".
A Uxmal, l'entrée principale du Palais du Gouverneur est un point d'observation pour le lever de Vénus.
A Palenque, la tour du Grand Palais devait servir d'observatoire vue sa conception.
La course des étoiles et des planètes leur dictait leurs actions. Dans certaines inscriptions, il est fait référence à la position des astres : une guerre, une intronisation de roi….
L'autre raison est plus pragmatique : il leur fallait connaître les périodes les plus favorables afin de mieux ordonnancer la culture de leurs plantes, maïs, haricots, tubercules… Pour connaître précisément les périodes de pluies, rien de mieux qu'une observation astronomique et donc météorologique.
Le Soleil est la divinité la plus puissante, les hommes sont tenus de le vénérer et de lui offrir des sacrifices. S'il devait s'obscurcir, les catastrophes les plus graves surviendraient et ce serait la fin du monde. Itzamna, incarnation du soleil dans sa course diurne, dont le parcours symbolise le déroulement de la vie humaine, est l'opposé du dieu Jaguar, métaphore du soleil nocturne, avançant dans les profondeurs de la terre. Les astronomes mayas ont une connaissance très approfondie des éclipses et de la position du soleil par rapport à la lune et aux autres planètes.
Glyphe du Soleil
Glyphe du Jaguar
La Lune est considérée comme une divinité féminine associée à la fertilité. Les astronomes mayas ont pu établir que le cycle de la lune durait en moyenne 29,503020 jours. Une précision très proche des calculs modernes qui donnent 29,503050 jours.
Glyphe de la Lune
Vénus est la planète qui a le plus attiré l’attention des Mayas. Sa splendeur dans les cieux limpides de l’Amérique Centrale, le fait qu’elle se trouve non loin du Soleil ont tant impressionné ce peuple qu’il l’identifia à un dieu important, une divinité dont il fallait se gagner les bonnes grâces, surtout lorsque la planète apparaissait pour la première fois le matin, après s’être cachée dans la lumière du Soleil.
Glyphe de Vénus
Les astronomes Mayas sont arrivés à la conclusion que cet astre brillant qu'ils voyaient le matin et le soir formait un seul et unique corps céleste mais ils lui attribuèrent deux noms distincts : "Noh Ek", La Grande Etoile, et "Xuc Ek" L'Etoile Guêpe.
Sa personnification est souvent associée à la guerre dont le glyphe comprend celui de cette étoile associé à d'autres éléments tel que l'emblème d'une ville à conquérir. Par exemple, la ville de Seibal a été conquise précisément le jour où Vénus est devenue "Etoile du Soir".
L'année apparente de Vénus (sa révolution synodique) est divisée en quatre périodes.
La première suit sa conjonction inférieure (entre le soleil et la terre) : Vénus devient donc "étoile du matin" pendant 240 jours.
La seconde correspond à sa conjonction supérieure (au-delà du soleil) : Vénus disparaît pendant environ 90 jours.
Dans la troisième partie de ce cycle, elle devient "étoile du soir" pendant 240 jours avant de disparaître pour la quatrième période de son cycle pendant 15 jours environ.
Pour une raison pratique de concordance de calendrier (lunaire et solaire), les Mayas avaient modifié quelque peu ces données, mais leur année vénusienne comptait quand même 584 jours de façon à ce que 5 années vénusiennes correspondent à 8 années solaires. (Les calculs actuels de l'année vénusienne donnent 583,92 jours).
Mars : il semblerait que les Mayas connaissaient les mouvements de la planète Mars (on a découvert un calendrier maya établi sur les 780 jours de l'année martienne), mais aussi ceux de Saturne et surtout de Jupiter bien visible au-dessus du Yucatan. Mais certains chercheurs sont encore sceptiques sur ce sujet. La conjonction et le mouvement des planètes ont toujours conditionné les faits et gestes des familles régnantes.
Glyphe de Mars
Ainsi, en 690 après JC, Chilam Balam, le fils du roi de Palenque, Pacal Premier, accomplit pendant quatre jours une série de rites, à l'occasion de la consécration des trois temples du groupe de La Croix.
Le premier jour, qui correspond au 23 juillet, une conjonction extraordinaire place Mars, Jupiter, Saturne et la Lune dans une position exceptionnelle par rapport à la constellation du Scorpion.
Les dignitaires auraient considéré qu'en cette occasion, les planètes alignées incarnaient l'esprit des trois divinités de Palenque. Celles-ci auraient choisi ce moment particulier pour "s'accoupler" avec l'esprit de la Lune, leur mère céleste.
Nulle part sans doute il n'y eu une telle fascination pour le temps, une telle passion pour le ciel. Ce peuple n'a pas eu le goût d'édifier pour lui, de penser à lui-même. Ses pyramides, ses monuments, son art, sa science ne servaient qu'à cela : déchiffrer, vénérer le temps. Les monuments mayas sont d'abord des observatoires, des plans célestes. Les pyramides sont des calendriers solaires, des points de repère pour observer la naissance de Vénus, les solstices. Partout où ils vivaient, les Mayas étaient ainsi en contact avec le ciel."
Source : Maria Longhena, "L'écriture maya, portrait d'une civilisation à travers ses signes",
Texte en italique : J.M.G. Le Clézio, Les prophéties du Chilam Balam.