La numération chez les Mayas
Région du Yucatan, 1562 :
Diego de Landa fut parmi les premiers moines de l'ordre franciscain à être envoyé au Yucatan pour apporter la religion catholique aux peuples mayas, après la conquête espagnole de ce territoire.
Il organise, en juillet 1562, un autodafé : il fait jeter dans un immense bûcher plus de 70 tonnes de documents mayas. Outre des idoles de bois et de pierre, des centaines de manuscrits. Il disperse ainsi un patrimoine écrit d'une valeur incommensurable. (ci-dessous : Diego De Landa)
Voici comment il justifie son geste :
"(Ces gens) étaient gouvernés par leurs superstitions et leurs tromperies, qui étaient si nombreuses qu'il y en avait assez pour faire errer ces gens simples, et il y aurait de quoi s'en étonner, si on ne savait que ce sont des choses naturelles et l'expérience qu'on en a du démon.
Ces gens usaient de certains caractères ou lettres pour écrire dans leurs livres les choses antiques et leurs sciences et par leurs moyens et celui de figures et de quelques signes dans les figures, les donnaient à entendre et les enseignaient.
Nous trouvâmes un grand nombre de livres écrits avec ces lettres, et comme il n'y en avait aucun où il n'y eut de la superstition et des mensonges du démon, nous leur brulâmes tous, ce qu'ils sentirent merveilleusement et leur donna beaucoup de chagrin" (Diego De Landa, "Relation des choses du Yuacatan").
Finalement, on se demande de quel côté était le diable !
Heureusement quatre manuscrits ont échappé au feu. On appelle ces manuscrits des "codex". Ce sont des manuscrits constitués d'un support en papier, extrait d'une écorce de ficus battue ou de fibres d'agave.
Les feuilles charnues de l'agave donnent une fibre textile, le sisal, une sorte de coton épais et grossier que les femmes mayas tissent pour en faire des cordes, du fil à coudre, des sacs ou des nattes. Les Espagnols appelaient cette plante inconnue "l'arbre des merveilles".
Les codex ont l'aspect d'une grande bande pliée en accordéon entre deux couvertures de bois ou de cuir. Le texte, écrit des deux côtés du support, est accompagné d'illustrations peintes de couleurs vives. Les quatre codex ont le nom des villes où ils se trouvent actuellement :
Le codex de Dresde,
Le codex de Madrid,
Le codex de Paris,
Et le dernier, retrouvé au Mexique en 1960, le codex du Mexique, qui serait une partie de celui de Paris.
Le codex de Dresde, le plus ancien, date d'environ 1200. Il est constitué d'une bande en fibres d'agave longue de 3,50 m et replié en 78 faces. Il s'agit d'un recueil d'almanachs d'astronomie et d'astrologie.
En 1832, Constantin Samuel Rafinesque, (un naturaliste et un archéologue américain d'origine franco-germano-italienne, né en 1783 à Constantinople et mort en 1840 à Philadelphie) consulte une reproduction de quelques pages de ce codex.
Ce polyglotte est un homme aux talents très variés : il s'intéresse à la zoologie, la botanique, la malacologie, la météorologie et la littérature ainsi qu'à la théorie de l'évolution. C'était un excentrique dont le comportement demeurait souvent incompris par ses contemporains. (Photo ci-desous)
Rafinesque déclare dans son bulletin d'information, le "Journal de l'Atlantique et ami de la connaissance", que les points et les barres vu dans les glyphes mayas, représentaient des chiffres. Il s'est à l'époque heurté à l'incrédulité des savants qui se penchaient sur le déchiffrage de l'écriture maya.
Plus tard, les résultats lui ont donné raison et ont également révélé que les Mayas avaient même un symbole pour le zéro, qui est apparu sur les sculptures mésoaméricaines dès 36 avant JC.
(Dans l'Ancien Monde, le symbole du 0 a été inventé au Vème siècle avant JC par des mathématiciens indous, mais c'est seulement au VIIIème siècle après JC que les Arabes l'importent en Espagne. Puis les chiffres indiens sont importés d’Espagne en Europe chrétienne aux environs de l’an mil par Gerbert d’Aurillac, devenu le pape Sylvestre II. Le zéro ne se généralise pas pour autant dans la vie courante).
Dans la numération maya, trois symboles, le point, le trait, la coquille suffisent à écrire tous les nombres. Le point a pour valeur 1, le trait a pour valeur 5. Les chiffres vont de 1 à 19. En outre, de 0 à 20, les chiffres peuvent être aussi représentés par des glyphes à l'effigie de divinités.
Les treize premiers nombres représentent les 13 grandes divinités du monde supérieur, les autres ceux des divinités du monde souterrain. Le vingt étant indiqué par le glyphe de la lune. Pour les Mayas, les chiffres sont des instruments de calcul, mais en même temps, ils sont les symboles des dieux et de l'univers.
Le chiffre 13 est le plus chargé de spiritualité et d'ésotérisme : les Mayas vénèrent les treize dieux du Monde supérieur qui gouvernent les treize strates ou "ciels" qui le composent.
C'est une numération de position en base 20 : elle se lit de bas en haut, la première place est occupée par les unités, la seconde par les vingtaines, celles au-dessus par des puissances de vingt.
Le chiffre 20 est primordial pour les Mayas : depuis l'origine de leur civilisation, ils fondent leurs calculs astronomiques et calendaires sur un système vicésimal. Le nombre 400, multiple de 20, revient souvent dans les textes sacrés et sur les inscriptions.
Le zéro est utilisé par les Mayas durant le 1er millénaire, il n'indique ni le "rien" ni l'absence de quantité ou d'unité, mais représente le complément de la série.
Les calculs mathématiques des Mayas sont à la base de leurs études d'astronomie, de leur calendrier et de leurs rites religieux.
Petit exemple de multiplication maya :
http://www.youtube.com/watch?v=46oviWU-sQY&feature=player_embedded
Source (pour partie) : Maria Longhena, "L'écriture maya, portrait d'une civilisation à travers ses signes",
Et Diégo de Landa : "Relation des choses du Yucatan"