La découverte des cités perdues des Mayas
"Le monde maya est mort, bien avant l'arrivée des Espagnols sur le continent américain. La beauté, l'harmonie, la science se sont éteintes avec lui. Mais la parole de ce peuple n'a pas tout à fait disparu. Elle a laissé sa trace sur cette terre, dans le corps des hommes, génération après génération, et sa force vibre encore. Le monde maya est mort, sans explication, sans drame. Alors que la plupart des autres peuples donnent une raison à leur propre fin, conquête, révolution, cataclysme, le peuple maya a disparu seul, sans heurt apparent, comme si un jour les dieux avaient détourné leur regard et l'avaient abandonné.
Ainsi cet empire de l'harmonie s'est disloqué, ses villes saintes sont mortes, ses monuments ont été repris par la forêt et par la terre, et oubliés ses lois, ses connaissances, son langage, son écriture. Oubliés : entrés à l'intérieur du long sommeil, cachés derrière les paupières fermées des dormeurs, étranges forces lointaines agissant dans les profondeurs, qui parfois ressurgissent, animent ces masques, comme si tout à coup les mots de l'ancien savoir, empruntant une langue nouvelle, allaient parler, ordonner l'espace.
Comme si les voix éteintes venues du fond de l'espace, les voix du soleil et des étoiles, allaient résonner à nouveau dans le silence du Yucatan, et que le peuple des Itzas allait sortir de ses puits, de ses grottes. Comme si, encore une fois, le miracle du Katun allait commencer, et que le ciel allait conquérir la terre."
J.M.G. LE CLEZIO(1) [les prophéties du Chilam Balam(2)]
Dans la jungle d'Amérique centrale, les explorateurs découvrirent des cités perdues, effacées de la mémoire des hommes, dont le nom même était oublié, recouvertes par la forêt, les racines bousculant les pierres, les branches ébranlant les murs, la terre recouvrant en partie les édifices. Sur les monuments érodés, des sculptures complexes sont demeurées presque intactes, cachant dans ses entrelacs les secrets d'une civilisation disparue.
Au temps de sa splendeur, la civilisation maya s'étendait sur la totalité de la péninsule du Yucatan, la région du Péten au Guatemala (en vert sur la carte), le Belize (en rouge sur la carte), la partie est du Honduras (en jaune) et le nord du Salvador (en orange). Pendant des siècles, les ruines des cités mayas, dissimulées par la forêt, demeureront insoupçonnées.
En 1735, un prête espagnol, le père de Solis, envoyé en mission dans le village de Palenque au Chipas par son évêque, tombe par hasard sur des monuments de pierre. En 1784 et 1785, le gouverneur espagnol du Guatemala envoie sur place deux fonctionnaires locaux chargés de faire un relevé des ruines.
En 1786, Charles III d'Espagne, passionné d'archéologie, envoie en mission au Mexique le capitaine Antonio Del Rio, le chargeant de décrire et de mesurer les ruines et de rapporter le plus possible d'échantillons qui seront envoyés au Cabinet royal d'histoire naturelle de Madrid. Son rapport sera publié à Londres en 1822, illustré, d'après les croquis originaux, par un certain Waldeck.
Artiste peintre français d'origine autrichienne, Jean-Frédéric Maximilien de Waldeck, arrive à Palenque en 1832, voulant voir de plus près ce qu'il avait dessiné d'après des croquis. Il y séjourne plus d'un an, vivant dans des conditions précaires dans une cabane au pied du temple de la Croix de Palenque.
Avec quelques métis, il défrichera les ruines et dessinera les édifices, les sculptures de pierre et de stuc, des paysages de ruines. A son retour à paris, il publiera un livre "Voyage pittoresque dans la province du Yucatan".
C'est en découvrant ce livre dans une librairie de New-York que John Stephens, un américain de la Nouvelle Angleterre, envisage de se rendre sur place, accompagné d'un dessinateur et jeune architecte Anglais, Frédérick Catherwood. Son livre, "Aventures de voyage en pays Maya", publié en 1840 et illustré par des dessins et des gravures de Frédérick Catherwood, eut un succès considérable. Son influence sur l'archéologie Maya aura été considérable.
A l'aube de la photographie, ce livre éveillera la vocation de Désiré Charnay, un français, le premier explorateur à publier, en 1863, des photographies des ruines de Palenque, de Uxmal et de Chichen Itza. Il est suivi de près par un autre photographe, Anglais celui-là, Alfred Maudslay, puis par un Allemand, Teobert Maler. Les photos prises par ces trois hommes vont ouvrir la voie aux archéologues proprement dit, qui viendront fouiller les sites, et aux savants, qui s'attaqueront aux déchiffrages des glyphes et des dessins.
Source : "Les cités perdues des Mayas" de Claude Baudez (3)
(1) Jean-Marie Gustave Le Clézio, plus connu sous la signature J. M. G. Le Clézio, né le 13 avril 1940 à Nice, est un écrivain de langue française, de nationalités française et mauricienne.
Il connaît très vite le succès avec son premier roman publié, Le Procès-verbal (1963). Il est influencé par ses origines familiales, par ses incessants voyages et par son goût marqué pour les cultures amérindiennes.
Le prix Nobel de littérature lui est décerné en 2008.
(2) Les livres de Chilam Balam sont des manuscrits mayas rédigés au Yucatan au cours des deux siècles qui ont suivi la conquête espagnole. Ils sont écrits en yucatèque, mais en caractères latins. Leur nom vient des mots «chilan» (le n se change en m devant la lettre b) qui signifie «prophète, devin» et de «balam» qui signifie «jaguar». «Chilam Balam» désignerait un individu, prêtre, prophète, chamane, qui aurait annoncé la venue des Espagnols. Ces écrits traitent du calendrier maya, de chroniques historiques, de prophéties et de mythes traditionnels comme le mythe de la création. Ils contiennent aussi des conseils et des recettes médicinales. (Wikipédia)
Ci-dessous, exemplaire du Chilam Balam exposé au Musée de Mexico :
(3) Claude Baudez, Directeur de recherche au CNRS, archéologue, a d’abord étudié, au Costa Rica et au Honduras, les vestiges de civilisations peu connues de la Méso-Amérique. Depuis 1971, il se consacre essentiellement aux recherches sur les Mayas. Il a été codirecteur des fouilles françaises du site de Tonina (Mexique), et a dirigé le programme d’exploration et de restauration de Copan (Honduras), tout en étudiant sa sculpture. Il est coauteur du livre les Mayas, publié dans la collection «Univers des formes» chez Gallimard. Il est l’auteur de "Une histoire de la religion des anciens Mayas" (Albin Michel 2002) et de "Les Mayas" (Belles Lettres 2004).
Ci-dessous, le Temple du Soleil à Palenque photographié par l'explorateur Britannique Perceval Maudslay entre 1883 et 1890 :
Source :