L'écriture maya déchiffrée
Dans les cités mayas des inscriptions gravées sur de nombreuses stèles et dans de nombreux monuments ont toujours intriguées les découvreurs. Le déchiffrage de ces signes, généralement disposés en colonnes, a demandé beaucoup de temps et d'efforts à de nombreux chercheurs. On appelle ces symboles des "glyphes" du grec "glifein" qui signifie "graver". Leur lecture se fait de gauche à droite et de haut en bas, par groupe de deux. A l'heure actuelle seuls environ 80% de ces signes ont été déchiffrés.
Revenons à Diego de Landa (cf article précédent). Après son autodafé, craignant d'être accusé d'excès de zèle, le franciscain se met à étudier les coutumes, la pensée, la vie quotidienne de la population maya. Il s'attache même à essayer de déchiffrer leur écriture. Il réunit toutes ses observations dans un livre : "Relation de las cosas de Yucatan", publié en 1566 à son retour en Espagne. Malheureusement, à sa mort, ce livre est oublié.
Il ne sera édité qu'en 1864, lorsqu'un abbé français, Brasseur de Bourbourg, le retrouve dans une bibliothèque de Madrid et le publie en version bilingue. Outre des renseignements concernant le calendrier maya, on trouve dans ce livre un alphabet (appelé alphabet de Landa) composé de 27 lettres dont le célèbre franciscain avait essayé de les faire correspondre avec certains glyphes mayas.
Alphabet de Landa
Ernst Förstemann est le premier qui réussit à décrypter le système calendaire maya sur le codex de Dresde. Il s'aide pour cela du manuscrit de Landa qui contient les glyphes des jours et des mois mayas qui apparaissent dans ce codex.
Codex, musée d'anthropologie de Mexico
Mais les nombreux chercheurs qui se penchent sur le déchiffrage, se rendent vite compte que Diego de Landa s'est trompé, car l'écriture maya n'est pas alphabétique comme celles que connaît ce célèbre évêque espagnol.
En 1945, Youri Knorozov, un officier d'artillerie Russe, trouve, dans les ruines de la bibliothèque de Berlin, une reproduction des trois codex de Dresde, de Madrid et de Paris.
Marché de Mérida
En 1952, il donne une nouvelle orientation à la recherche. Dans une première étape, il compte tous les signes qui composent l'écriture maya. De part ses études dans plusieurs langues anciennes, il conclut que :
- Si une écriture comporte entre 20 et 30 signes, cette écriture est une écriture alphabétique, chaque signe représentant un son (comme notre écriture).
- Si une écriture comporte entre 80 et 100 signes, c'est une écriture syllabique. Elle contient toutes les combinaisons possibles de sons composées de consonnes/voyelles ou diphtongues de la langue parlée.
- Si une écriture comporte plus de 1000 signes, c'est une écriture logographique, où chaque signe représente un mot.
Marché de Mérida
L'écriture maya comporte un peu plus de 800 signes, trop pour une écriture syllabique, et trop peu pour une écriture logographique. C'est donc une écriture mixte, qui combine les deux possibilités.
Knorozov est maintenant certain que l'écriture maya est une écriture mixte, comportant à la fois des logogrammes et des signes phonétiques.
Dans une deuxième étape, il recherche les syllabes en décomposant des glyphes mayas. Il relie des glyphes aux sons de la langue maya parlée actuellement, en constatant que bien souvent, dans la langue parlée, la voyelle finale est rarement prononcée.
Cireurs de chaussures, Chiapas
En 1952, il publie ses découvertes, mais le décodage n'est pas encore complet et il entre en conflit avec le linguiste Eric Thomson sur certains points du décodage qui, plus tard, établira un catalogue de 862 signes.
En 1958, La notion de glyphe-emblème en épigraphie maya (étude des inscriptions réalisées sur des matériaux non putrescibles comme la pierre ou le métal) fut élaborée par Heinrich Berlin. Il comprend que certains glyphes indiquent le nom d'une ville (ci-dessous, à gauche le glyphe-emblème de la cité de Chichen Itza, et à droite, celui de la cité d'Uxmal) :
Ou celui de la famille régnante (ci-dessous, le glyphe-emblème du roi Pacal Premier de Palenque) :
Pour la première fois on se rend compte que l'écriture maya ne se limite pas à exprimer des termes calendaires ou mathématiques.
En 1960, Tatiana Proskouriakov, une architecte russe ayant dessiné en 3D toutes les anciennes cités mayas du Yucatan, travaillant au musée de Peabody à Harvard, compulse toutes les archives du pays maya. Rationnelle et logique, elle cherche un système pour classer les différents objets découverts. Elle découvre ainsi le sens des motifs de certaines stèles érigées près des temples et conclut que celles-ci représentent l'histoire des rois mayas.
Des progrès spectaculaires vont être faits par David Stuart (né en 1965). Celui-ci, à l'âge de 8 ans, accompagne son père George Stuart, archéologue américain sur les sites mayas. Il commence à dessiner les différents motifs de l'écriture.
À 15 ans, durant ses vacances d'été, il officie comme épigraphiste à l'occasion de fouilles archéologiques, et réalise une découverte déterminante qui fera évoluer la connaissance de la langue maya et son déchiffrage : un même phonème (son) peut être écrit de plusieurs manières différentes. Ainsi la complexité des glyphes mayas apparaît mieux : un seul glyphe peut comporter un logogramme (idéogramme) et un morphème lui-même s'écrivant de plusieurs façons possibles.
Il sait maintenant que certains signes doivent être lus comme des rébus : une combinaison de plusieurs signes dont les sons forment des phrases.
Exemple, le mot suivant, "Balam" ("jaguar" en maya) :
1 : Balam, écriture idéographique,
2 : Ba-Balam, écriture syllabique,
3 : Ba-la-ma, écriture phonétique (la dernière voyelle ne se prononce pas).
Certains glyphes sont en fait des phrases écrites phonétiquement. Mais ce qu'il découvre, va faire avancer le déchiffrage :
Le même son peut-être représenté par différents dessins et se substituent l'un à l'autre en fonction de l'inspiration des scribes.
Par exemple, le son U peut-être représenté par :
Soit une parenthèse
Soit une tête de requin
Soit une tête humaine
Soit une tête de singe
Soit un signe représentant l'eau…
D'autre part, les mayas ne dessinaient jamais des paysages. Ils préféraient personnifier les paysages et dessinaient l'esprit de ce paysage.
Pour les idées abstraites, comme le concept "imaginer", ils dessinaient une main tenant un poisson, illustrant ainsi l'idée de la difficulté d'attraper quelque chose, comme le poisson, difficile de capturer à main nue.
Représentée par des idéogrammes, des pictogrammes et des phonogrammes syllabiques, on comprend mieux maintenant la difficulté de déchiffrer l'écriture maya.
Mais les mayas ont cessé d'ériger des stèles vers 800/900 après JC environ. On ne sait rien des dynasties qui régnèrent sur les dernières cités mayas comme Uxmal ou Chichen Itza. Peut-être que les souverains, sous le coup d'une domination étrangère, ont-ils voulu garder le secret de leur connaissances. Les seuls documents écrits de cette période sont des manuscrits traitant d'astronomie, de religion ou de divination.
Sources : Maria Longhena, "L'écriture maya, portrait d'une civilisation à travers ses signes" et l'émission de ARTE du 16 février 2012 :"Le code maya enfin déchiffré" de David Lebrun.