Plouhinec : le corps de garde de la Pointe du Souc'h
De 1689 à 1815, la France est presque continuellement en guerre avec l´Angleterre, les historiens ont parlé de «Seconde guerre de 100 ans». Après la bataille navale de la Hougue en 1692, la France s´oriente alors vers une stratégie défensive. Seuls les corsaires peuvent rivaliser avec les Anglais maîtres des mers.
A la suite de la révolution de novembre 1688 qui a porté le stathouder Guillaume d'Orange sur le trône d'Angleterre, le roi détrôné Jacques II Stuart s'est réfugié en France. Louis XIV va s'efforcer pendant plusieurs années de le remettre sur le trône.
Rappelé dans son royaume, en 1692, par une faction de ses sujets, Jacques II demanda à Louis XIV une flotte et des troupes pour débarquer en Angleterre. Il se rendit à La Hougue avec 16.000 hommes afin d'embarquer sur la flotte du Vice-amiral de France, le Comte de Tourville, forte de 44 vaisseaux de guerre.
L'escadre française appareilla le 12 mai, et rencontra la flotte anglo-hollandaise qui alignait 84 vaisseaux de premier rang et quantité de brûlots.
La disproportion des forces était énorme. Le 29 mai 1692, en livrant pendant douze heures un combat à un contre deux sans qu'aucun bâtiment français n'ait été détruit ou capturé, Tourville et ses hommes réalisèrent l'un des plus beaux exploits de l'histoire maritime.
Mais il fallait se dégager. L'amiral français prévoit de rejoindre Brest ou Saint-Malo poursuivit par la flotte ennemie. Une majorité des navires (soit 27 navires) parvient à franchir le Cap de la Hague, mais treize ne peuvent franchir des courants du raz Blanchard. Ils sont alors contraints de revenir vers l'ennemi en se réfugiant devant Cherbourg qui n'était alors qu'une rade sans protection. Les 2 et 3 juin, les Anglais, embarqués sur des chaloupes, incendient l'un après l'autre les navires en rade de la Hougue.
Cette sévère défaite révèle la nécessité de consolider la défense côtière. C'est à partir de ce moment que se multiplient batteries côtières et corps de garde tout le long des côtes, en particulier sur la côte Nord de Bretagne, de Saint Malo à Brest et la presqu'île de Crozon.
Le corps de garde du Souc'h fut construit en 1747. Cette ancienne bâtisse servait aux gardes-côtes pour surveiller les mouvements des navires ennemis et prévenir toute tentative d'attaque, principalement contre les invasions de pirates ou d’Anglais.
En 1815, il est déclassé et affecté aux services des douanes, puis est abandonné par la suite. La restauration date de 1997 pour les murs et de 1998 pour la toiture.
Tous les hommes, de 18 à 60 ans, dont le clocher de la paroisse est à moins de 2 lieues (environ 8 km) du rivage marin sont astreints à participer à une "Milice Garde-côte". Ils se relaient quotidiennement sur un cycle de 20 jours. Ils doivent assurer le guet de la mer : mission de surveillance des bateaux de passage. Les conditions de vie lors des gardes étaient draconiennes : interdiction de faire du feu pour se chauffer ou pour se nourrir.
En cas d´apparition de voiles ennemies, les miliciens de la compagnie garde-côte alertaient les autorités par signaux codés : jeux de pavillons par temps clair, coup de canon, tocsin de l´église la plus proche, feux la nuit.
Quand on pense à la guerre des côtes, on pense escadres au combat. Mais la guerre des côtes est tout autre. Ce sont des persécutions, des opérations de harcèlement et des attaques sournoises par des bâtiments légers à faible tirant d´eau.
Les souvenirs de pillages et de descentes : Morlaix (1522), Belle-Ile, Houat et Hoëdic (1545-1548), Le Conquet (juillet 1558), Camaret (1694), Lorient (1746), Saint-Cast (1758) reviennent toujours pour confirmer ce qu´on considère comme un péril.
L’état de guerre qui s’instaura durant ces longues années allait rendre la vie des populations littorales peu sûre. Beaucoup de hameaux et de villages riverains ne furent pas épargnés : rapines, enlèvements (cf. article précédent), viols, incendies…
Ici, l'ennemi héréditaire n'est pas l'Allemand comme sur les frontières de l'Est, mais l'Anglais, le Saxon maudit (Saoz milliget).
Un pays de Celtes comme le nôtre...
Là, autant, tous, petits et grands,
Du Saxon maudit ont méfiance et haine,
Dieu veuille que nous puissions, un jour, quand le coup sera propice,
Les chasser, pour jamais, loin hors de notre pays !
Pièce de théâtre, Le Roi Arthur,
Auteur inconnu
La plage de Gwendrez et la pointe du Souc'h.